Maurice BEYSSAC (1892-1914)


Durant l’été 2017, Denis Delavois me contacte pour ses recherches auprès du soldat Maurice Beyssac. Par mail interposé il me présente son ambitieux projet de retrouver l’ensemble du 149ème Régiment d’Infanterie. Il a donc réalisé un blog pour raviver le souvenir des Vosgiens, des Parisiens, des Berrichons, des Jurassiens et des Ardéchois qui composaient cette unité. Ces hommes constituaient le plus gros du contingent de ce régiment, à l’aube du conflit jusqu’aux terribles pertes des combats des mois de mai et de juin 1915 du côté de Notre-Dame-de-Lorette. Avant de vous plonger dans le parcours scufiste et guerrier de Maurice Beyssac, je vous invite à découvrir le blog du 149ème RI

 

Le 11 octobre 1892, Jean Beyssac, accompagné de son père, Jean Baptiste Beyssac, puisatier de son métier, et du fleuriste Honoré Désiré Blin, se présentent devant l’officier de l’état civil de la ville de Colombes pour y faire enregistrer le nom de Maurice Léon Beyssac, né la veille. Jean est alors âgé de 31 ans. Il travaille comme dessinateur dans une entreprise locale. Son épouse, Marie Louise Boucaud, qui a donné naissance à son deuxième enfant, est sans profession. Elle a 25 ans. Le couple vit au 115 avenue de Gennevilliers (actuellement avenue de l’Agent Sarre) avec Antoinette Germaine, leur fille aînée et le petit Maurice. Deux autres enfants verront le jour quelques années plus tard.

Marie Louise exerce pendant une courte période de sa vie le métier de couturière. Comme l’indiquent les actes de naissances des différents enfants, la famille déménage régulièrement. Elle finit par s’installer au numéro 35 de la rue Brochant dans le 17e arrondissement de Paris.

Maurice a quitté l’école communale en maîtrisant les bases de la lecture, de l’écriture et du nombre. Il choisit de s’engager professionnellement sur les traces de son père. Il entreprend des études qui vont lui donner accès au métier de dessinateur industriel, c’est l’emploi qui se trouve inscrit sur sa fiche signalétique et des services. Sportif de très bon niveau, il est licencié au Sporting Club Universitaire de France dès 1911. Au début du vingtième siècle, le club joue sur plusieurs stades, notamment sur le stade de Colombes où se déroulaient les matchs internationaux.

Maurice Beyssac fait partie des effectifs de l’équipe 2. Il occupe le poste d’arrière. La photographie suivante le montre parmi ses camarades.

Ce cliché date de la saison 1911/1912. C’est probablement la première année où Maurice pratique son sport favori à ce niveau de jeu. En effet, son nom n’apparaît nulle part dans les archives du club pour les années précédentes.

Le 17 novembre 1912, le S.C.U.F. joue contre le Sporting Club de Vaugirard dans le cadre du championnat de Paris. Maurice Beyssac fait partie de l’équipe 1 qui gagne 6 points à 0.

 

Au 149e R.I.

Inscrit sous le numéro 106 de la liste du canton du 17e arrondissement de Paris Maurice Beyssac est classé dans la première catégorie de la liste comme « Bon absent ». Il ne s’est probablement pas présenté devant le conseil de révision de l’arrondissement où il été recensé pour la dernière fois. La lecture de sa fiche matricule nous apprend qu’il vit au Maroc, résidant à Casablanca, mais elle ne donne aucune explication à ce long voyage. Incorporé au 149e R.I. à compter du 1er octobre 1913, l’ancien rugbyman du SCUF doit, de nouveau, traverser la Méditerranée pour rejoindre une des compagnies du régiment caserné à Épinal.

Malgré ses obligations militaires, il peut bénéficier de permissions spéciales qui vont lui permettre de retoucher au ballon ovale à un haut niveau. Un article de presse datant du 14 décembre 1913, publié dans le journal « l’Aéro : organe hebdomadaire de la locomotion aérienne » évoque son éventuel retour au S.C.U.F. même s’il est resté éloigné du terrain depuis un long moment. Cette hypothèse se confirme à la lecture du même journal publié le lendemain. Son équipe est battue par le Stade Français, 6 à 0, sur le « ground » du stade des Princes, devant 6000 spectateurs.

Le journaliste sportif Léon Labarthe évoque Maurice Beyssac dans « l’auto » du 5 janvier 1914. Le joueur est de nouveau inscrit dans l’équipe du S.C.U.F. n°1 pour affronter l’équipe de Tarbes. L’arrière Beyssac est en grande forme, il fait un match remarquable. Les deux formations finissent à égalité, avec un score de 0 points partout.

Parallèlement à sa carrière sportive, Maurice Beyssac suit les cours qui vont lui permettre de passer caporal. Il est nommé dans ce grade le 11 février 1914.

Le jeune homme est toujours sous les drapeaux lorsque le conflit contre l’Allemagne débute en août 1914. À cette époque, il est inscrit dans la liste des effectifs de la 7e compagnie du régiment, sous les ordres du capitaine Coussaud de Massignac. Son engagement dans le conflit est de courte durée. En effet, le caporal Beyssac fait partie des toutes premières victimes du régiment le jour même où celui-ci est train de vivre son baptême du feu.

Le 9 août 1914, en fin de matinée, sa compagnie a l’ordre de protéger le drapeau. Elle reste un peu à l’écart des événements, à la disposition du colonel Menvielle. La 4e compagnie du 149e R.I. débute le combat à 12 h 30, d’autres suivront… Ce n’est que vers 17 h 30 que la 7e est à son tour engagée dans l’attaque. Le caporal Beyssac se retrouve inscrit dans la liste des disparus au combat du Signal de Sainte-Marie du J.M.O. du régiment.

Pour en savoir plus sur les évènements qui se sont déroulés durant la journée du 9 août 1914, il suffit de cliquer ici.

 

Une enquête est demandée auprès du Comité International de la Croix Rouge. Ses proches cherchent à savoir s’il aurait pu être interné dans un des camps de prisonniers en Allemagne. Les recherches s’avèrent être négatives. La famille perd tout espoir de le retrouver vivant.

 

L’après-guerre

Suite à une décision prise par le tribunal de la Seine le 23 avril 1920, le décès de Beyssac est fixé à la date de sa disparition, le 9 août 1914.

Un 1er article de presse, paru dans le journal « le Gaulois » datant du 8 janvier 1922, évoque l’existence d’une sépulture au nom du caporal Maurice Beyssac. Ce jour-là, le S.C.U.F. doit rencontrer les Lourdais qui font leur début devant le public parisien au cours d’un match comptant pour le championnat de France.

« Ce matin, l’équipe du S.C.U.F. se rendra, pour déposer une gerbe au cimetière de Colombes, où est inhumé Maurice Beyssac, ancien arrière du S.C.U.F., tombé au champ d’honneur. Les deux équipes  avant le match déposeront des palmes au pied du monument aux rugbymen morts pour la France. Monsieur Gaston Vidal, sous-secrétaire d’état et président du S.C.U.F. assistera à ces cérémonies et donnera le coup d’envoi du match qu’arbitrera Monsieur Bania. »

Un second article de presse publié le 1er août 1922 dans le journal « l’Homme libre » évoque de nouveau la tombe de Maurice Beysac.« Ajoutons enfin qu’avant le match, l’équipe du S.C.U.F., se rendra au cimetière de Colombes, déposer une gerbe sur la tombe de Maurice Beyssac, l’excellent arrière du S.C.U.F. d’avant-guerre, tombé au champ d’honneur. Monsieur Gaston Vidal, sous-secrétaire d’état, président et ancien équipier du S.C.U.F., assistera à cette pieuse cérémonie. Il présidera ensuite le match et donnera le coup d’envoi ».

Après une recherche approfondie effectuée dans les registres du cimetière de la ville de Colombes, une sépulture a bien été retrouvée au nom de Beyssac. Il s’agit de la concession n°19179 qui a été, depuis, reprise et attribuée à une nouvelle famille. Seul, le grand-père paternel semble y avoir été inhumé en 1913. La grand-mère paternelle Mélanie Festin, décédée en 1886, n’est pas enterrée au côté de son époux. Aucune trace d’un dénommé Maurice Beyssac dans les archives du cimetière qui laisserait supposer que sa dépouille mortelle aurait été restituée aux siens juste après la guerre, pour être placée auprès de son grand-père.

 

Jusqu’à preuve du contraire, le caporal Beyssac serait le premier rugbyman jouant à ce niveau, à avoir été tué durant le 1er conflit mondial du 20e siècle.

Maurice Beyssac a été inscrit au tableau spécial de la Médaille militaire à titre posthume (J.O. du 30 octobre 1919) avec la citation suivante : « Excellent caporal, brave et consciencieux. Est tombé mortellement frappé, le 9 août 1914 à Sainte-Marie-aux-Mines. » Cette inscription lui donne aussi droit à la Croix de guerre avec étoile de bronze.

Le nom de cet homme est inscrit sur l’une des deux plaques fixées à l’intérieur de l’église Saint-Leu dans le 1er arrondissement de Paris.

Maurice Beyssac est resté célibataire et n’a pas eu de descendance.

Premier match de la saison 1912/13 où débute Buscail, Besset et Semmartin