Jules CADENAT (1886 – 1966)


Jules Cadenat (1886 – 1966)

7 sélections en équipe de France, de 1910 à 1913
Vice-champion de France en 1911 et 1913 
Médaille d’or de la FFR en 1930

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Jules Cadenat (dit Julard),est né le 18 septembre 1886 à Béziers. Il était l’héritier d’un riche propriétaire terrien local, doté d’un caractère truculent. Il se présentait ainsi : « Jules comme César et Cadenat comme serrure ». Très tôt orphelin de père, il fut élevé par sa mère, sa grand-mère et ses tantes qui n’avaient d’yeux que pour lui. En âge de conduire, elles lui offrirent sa première voiture avec laquelle il s’en alla rapidement au fossé. L’affaire, qui fit grand bruit dans la famille, monopolisa les conversations jusqu’au jour où, lassé d’être l’objet des récriminations de ses proches à ce sujet au cours d’un repas, il se leva de table, prit sa montre à gousset qu’il projeta violemment contre le mur en disant: « Comme ça, maintenant, on parlera de la montre ! ».

On sait peu que Cadenat a commencé comme ¾ aile. Il pratiquait la barette, ancêtre du rugby, au collège Henri IV, à Béziers puis devint vite le meilleur joueur du premier club civil, le Football Club Biterrois. Mais il faut quitter le vignoble. La famille du jeune Jules est aisée.Ces maîtres imprimeurs souhaitent qu’il aille poursuivre ses études à Paris, à Louis le Grand, puis en faculté de droit. Sa prestance, sa faconde, sa voix terrible, son intelligence, sa personnalité le poussent droit au barreau. En fait, il saura conquérir Paris. Mais ce sera en rugby, voilà tout !

Son arrivée au SCUF en 1904 va permettre d’amener un état d’esprit festif au club et ainsi compenser la rigueur de Frantz Reichel. Jules Cadenat est habitué à danser la chaloupé avec Mistinguett, chez Albert à Montmartre, jusqu’à une heure avancée de la nuit. Fort en gueule et haut en couleur il est à la tête d’une horde de scufiste qui cadrille aussi le Quartier Latin du « Soufflet » à « La Taverne du Pantheon ». Mais il est toujours en pleine forme, prêt à en découdre dès qu’il est sur le terrain. 
A cette époque le SCUF est engagé dans le championnat de Paris. Le 8 novembre 1909, à Colombes, le SCUF réalise un véritable exploit en battant (8-3) pour la première fois la grande équipe du Racing Club de France déja 3 fois championne de France. Cadenat fait partie de l’aventure au poste de deuxième ligne.

Avec ses 1m81 pour 103Kg il impose sa puissance dans les rencontres du championnat. Mais les fêtes de fin d’année sont souvent fatales à la forme de Jules et il se requinque avec l’Equipe 3 du SCUF. Le match international suivant a lieu le 22 janvier 1910 en Ecosse. Il fait alors le pari avec son capitaine Peyronet de mériter en quelques semaines l’équipe de France. En trois semaines, il devient titulaire de la première, et bientôt remplaçant du XV national pour le match à Edimbourg. Il a de la chance, Thil le Bordelais ne peut faire ce long voyage, Jules jouera. Il a gagné son pari. Il attendra un demi-siècle pour en gagner un autre. Mais celui-là, il se l’était fait à lui-même… Il connaît ainsi la première de ses 7 sélections. Dans cette équipe qui s’incline 21-00 face aux Ecossais, trois scufistes portent le maillot tricolore : Theuriet à la mêlée, Boudreaux en première ligne et Lafitte en troisième. Il est le premier international (n° 61) à dépasser les cent kilos, pour 1m78.

Match Score Date
Irlande – France 24 – 0 24/03/1913
France – Angleterre 8 – 18 08/04/1912
Pays de Galles – France 14 – 8 25/03/1912
Irlande – France 25 – 5 25/03/1911
France – Pays de Galles 0 – 15 11/02/1911
France – Angleterre 3 – 11 03/03/1910
Ecosse – France 27 – 0 22/01/1910

Sur le terrain et en dehors il est un meneur. Lors des saisons 1910-11 et 1911-12 il est désigné capitaine de l’équipe première. Les années suivantes il laisse sa place à Theuriet, mais demeure le patron indiscutable des avants. Voici comment on en parle dans l’Aero : « Le capitaine du Sporting est un atlhète doués de grandes qualités, qu’il sait mettre en valeur dans toutes les phases du jeu. Tiens bien la mêlée, joue admirablement la touche et fait preuve dans le jeu d’une activité inlassable. Excellent distributeur du jeu.  »

Le championnat 1911 va asseoir le nom du SCUF dans le rugby français. Le SCUF est champion de Paris et devance pour la première fois ses deux grands adversaires le Racing Club de France et le Stade Français. Jules Cadenat déclare «  Je suis très content, que voulez vous que je vous dise de plus ? Mon club était très méritant déja depuis plusieurs années, il devait voir ses efforts couronnés de succès, il y est parvenu aujourd’hui et c’est moi qui est eu l’honneur de le conduire à la victoire, et j’en suis très heureux. L’équipe a bien joué, tout le monde a fait son devoir, il faut espérer maintenant que personne ne s’endorme sur ses lauriers car nous avons encore beaucoup à faire« . Et surtout Jules qui en cette période de phase finale continue en parallèle de représenter la France dans le Tournoi.

L’enchainement des rencontres et la soif du jeu mène le SCUF à la victoire. Le 4 mars 1911 a lieu le quart de finale avec Jules Cadenat qui entame son troisième match en huit jours. Le Sporting bat Le Havre AC (6-4 à Colombes). En demi-finale le SCUF bat Tarbes et Jules y va de son essai (9-5 à Tarbes). La finale a lieu le 7 avril à Bordeaux devant 10.000 spectateurs face au Stade Bordelais UC. Le SCUF fourni une excellente partie mais est battu par une équipe supérieure. Les « noir et blanc » sont abattus, tristes et aucun chant ne retentit, même Jules Cadenat a mal et reste silencieux.

Jules Cadenat mène encore l’équipe la saison suivante, mais le club est devancé par le Racing CF pour le titre de champion de Paris et se voit priver des phase finales. Ce n’est pas le cas en 1913 où le SCUF est champion de Paris. Les noir et blanc battent le SNUC (Nantes) en quart (9-3) puis l’USAP (Perpignan) en demi-finale (15-3). Le 20 avril 1913, à Colombes devant 15000 spectateurs, Jules va jouer sa deuxième finale face à l’Aviron Bayonnais. Hélas le scénario se répète et Bayonne domine le SCUF 31 à 8. Jules sauve l’honneur en marquant un essai…

« Devant un quinze Bayonnais si redoutable le SCUF n’a jamais été découragé, il a lutté comme il a pu. Aucune autre équipe n’eut opposé une résistance plus courageuse avec les moyens dont il disposait. Le SCUF a montré qu’il avait du coeur au ventre. C’est une qualité tellement essentielle au rugby, qu’il est tout juste qu’elle lui ait valu d’être en finale et d’être le second club de France. » (Jacques Dedet, « l’Auto« )

La saison suivante est moins glorieuse. Le SCUF termine à nouveau deuxième du championnat de Paris et laisse le Racing CF jouer les phases finales. Jules Cadenat est toujours aussi imposant au sein du club mais délaisse le XV de France. De nos jours, on arrête sa carrière internationale par blessure, par défaillance ou encore par retraite. Et bien Jules, en 1914, devait jouer au Parc contre l’Irlande un 1er janvier 1914. Sauf que pour lui, c’est fort ennuyeux, car les fêtes de Noël et du Jour de l’An le tentent beaucoup au «pays ». Ce qu’il sait surtout, c’est que s’il ne descend pas souhaiter la bonne année à sa tante, qui l’aime tendrement, ce gros poupon moustachu n’aura point les louis d’or annuels certainement déjà préparés. C’est ainsi que les louis l’emportèrent sur une 8ème cape. Comme quoi en ce temps-là, les grands joueurs étaient bien plus qu’amateurs, puisque celui-ci touchait de l’or… pour ne pas jouer.

A l’été 1914 le rugby s’arrête pendant 5 ans pour cause de guerre. Jules Cadenat servira comme Sergent dans la 434 TM (Train des équipages Militaires)

En 1919, le SCUF renaît de ses cendres et Jules Cadenat est au rendez-vous.

Il oeuvre à la reconstruction du club mais la guerre a brisé l’envie. Il a besoin de se ressourcer et de retrouver sa terre biterroise.

En 1920 il intègre alors le club de sa ville et dispense des fonds pour son développement. Par la suite, tout en s’occupant de l’ASB, il sera sélectionneur national et directeur sportif du XV de France au début des années 1930 en compagnie de Gilbert Brutus. Il deviendra lui-même le Président de l’ASB durant les années 1950, et il présidera également un temps le Comité des sélections de l’equipe de France. En 1961 Béziers décroche le Bouclier de Brennus face à Dax et Jules Cadenat, 50 ans après sa première finale, peut enfin soulever le bout de bois !

Il décède le 07 décembre 1966. Il reste un des pionniers du rugby français et un personnage symbolique du SCUF d’avant-guerre.

Un challenge prendra son nom par la suite. Le Challenge Jules Cadenat était une compétition créée et organisée par l’AS Béziers durant les années 1970. Elle réunissait sur invitation des équipes de 1ère division, en début de reprise de championnat jusqu’en 1973, puis à la mi-juin de 1974 à 1978.

Un boulevard porte son nom à Béziers.