La magie du Tournoi est chaque année opérante sur nos esprits et nous permet de constater le fossé qui sépare le rugby hexagonal et celui pratiqué par les Anglo-saxons…. et de humer l’air de ces stades mythiques dévolus à l’ovale avec un public respectueux et fervent.
Mais à Murrayfield l’ambiance est envoûtante , » Flower of Scotland « transporte ce public hors du temps, il rappelle à chaque écossais la bataille de Bannockburn dans les Borders où en 1296 Robert Burns, futur roi d’Ecosse repoussa les troupes d’Edouard II. Ce fut un match tout en kilt et en tartan, un match aux couleurs des Stuart et au goût du whisky. Mais on comprit lors de la mi-temps pourquoi les écossais allaient vers la victoire, d’un côté les quinze hommes du chardon s’étaient groupés, centrés sur eux-mêmes, clos comme un oeuf dur .De l’autre, quinze hommes, dispersés comme pour un pique-nique, décentrés, répartis par petits groupes sur ce magnifique gazon. D’une part un oeuf dur, de l’autre une omelette.
Dans le combat des trente,ceux qui font bloc ont raison : les militants souvent l’emportent sur les aventuriers. Le rugby est un sport collectif et non à un assemblage d’individualités répétant sans génie.
En dépit de la défaite, du vent qui dévale tout droit de la montagne proche, on a bien aimé cette foule, que c’est beau une foule qu’enchante aussi bien la victoire que la simple beauté du jeu…
Ce qui est important, primordial, c’est la passe. Elle est “l’omphalos mundi”, le nombril du jeu représentatif, autrement dit le lieu de passage entre les avants et les arrières, le terrain sur lequel ils communiquent. Et le bon moyen,par conséquent, de les faire coopérer au déblocage d’un jeu français corseté et administré.
Si nos officiels et pseudo-techniciens veulent “se garder” le rugby inventé pour eux par quelques fils de joueurs de barrette et quelques écossais en cavale, qu’ils retrouvent pour modèles Jauréguy, Dauger, Boniface, Maso, Irvine, O’Driscoll, ces mangeurs de feu !
On peut en rire, puisqu’il s’agit d’un jeu. Mais ce jeu est très beau, et la caricature qu’en ont proposée samedi quelques joueurs français fait un peu de peine. Parce qu’il ne s’agit pas seulement du bon (ou mauvais) vouloir d’un quelconque sélectionneur. Il s’agit d’un état d’esprit général qui inspire, de dimanche en dimanche, la pratique du rugby en France.
Et si pour les “pistoleros de Marcatraz” “la fin justifie les moyens”, il devrait se souvenir que “La nature de ces moyens détermine la qualité de la fin”…