Pierre-Paul Laffitte est un pionnier du S.C.U.F, international français, il fut surtout un recruteur de rugbyman via le 103ème Régiment d’Infanterie. Joueur de caractère il a largement participé à l’émergence du club parisien.
Laffitte est basque, il est né le 29 juin 1885 à Louhossoa dans le canton d’Espelette. Alors âgé d’à peine plus de 18 ans, il s’engage en novembre 1903 au 57e RI de Libourne, pour une durée de 4 ans. Le régiment dispose d’une équipe de rugby et dispute le championnat militaire, Laffitte en prend le capitanat. Il est nommé caporal en 1904, puis Sergent en 1906. Puis il passe dans l’armée de réserve en 1907.Réengagé en tant que caporal en 1908 dans le 103 Régiment d’Infanterie, il récupère son grade de sergent en 1909. Le 103ème étant positionné sur Paris, il rejoint alors les rangs du S.C.U.F et s’impose directement en Equipe première. Du haut de ses 1m65, c’est comme troisième ligne aile qu’il évolue. Mais il est assez polyvalent dans le pack de devant. Sa fonction de sportif-militaire lui permet d’orienter de nombreuses recrues vers le Sporting. Et inversement on retrouve de nombreux scufistes au sein du 103ème, comme le sergent André Theuriet, le caporal Frock, Boudreaux, Etchegaray, Besset… qui remporteront le championnat militaire. Son influence, sur et en dehors des terrains, l’amène à connaître deux sélections avec l’Equipe de France qui débute dans le Tournoi des V Nations en 1910. Ses prestations avec le S.C.U.F et le 103ème ne laissent pas indifférent les sélectionneurs. Fin décembre 1909, un match de sélection oppose les « Probables » contre les « Possibles » à Bordeaux. Ce jour là, dans les lignes arrières on trouve également les scufistes Houblain et Menrath. Du côté des avants Thévenot, Cadenat ont également tapé dans l’oeil des sélectionneurs. Les Probables sont vainqueurs par 9 points (3 essais) contre 6 points (2 essais) aux Possibles. Dans la revue du « Plein Air » du 31 décembre 1909, voici comment il est décrit : « un jeune, un nouveau, une révélation. A commandé comme arrière à Libourne ; au 103ème d’infanterie comme trois-quarts ; avant ou demi à volonté. Au S.C.U.F, il est également bon à tous les postes mais paraît avoir trouvé sa véritable voie à la troisième ligne d’avants. Bon dribbleur, il excelle, sans être un embusqué, à terminer la combinaison ébauchée. Vif, adroit, rapide, il redresse les gaffes et marque les essais inespérés. Joueur d’avenir.« Quelques jours plus tard, le groupe France quitte Paris sans Jules Cadenat, mais avec deux nouveaux scufistes René Boudreaux et Joe Anduran. Devant 12000 spectateurs, les français font déjouer les Gallois lors de la première période et ne sont menés que 21-14 à la mi-temps. Hélas ils s’écroulent lors des 40 dernières minutes et s’inclinent 49-14. Il se dit que les Gallois dominent tellement le match qu’ils s’arrêtent parfois de jouer pour expliquer les règles aux frenchies ! Il détient la carte d’international n°57.
Cependant, les archives de la FFR ont créé une confusion et c’est un certain Rémi Laffitte qui est consacré à la place de notre Pierre-Paul Laffitte. Mais il n’y a pas de confusion à notre niveau, les photos de l’équipe de france, lors des deux premiers matchs, contre les gallois et les écossais, montre qu’il s’agit bien de notre Sergent Laffitte du S.C.U.F. Le match international suivant a lieu le 22 janvier 1910 à Edimbourg en Ecosse. Quatre scufistes ont été selectionnés, André Theuriet à la mêlée, René Boudreaux en 1ère ligne, P-P Laffitte en 3eme ligne aile, et Jules Cadenat en 2ème ligne qui fête sa première sélection. Par un temps glacial, les joueurs du Chardon l’emportent 27 à 00. Ce sont les deux seules rencontres internationales que jouera Laffitte. Sans lui, la France s’inclinera également contre l’Irlande (3-8) et l’Angleterre (3-11) cette même année. Elle accrochera sa première victoire dans le Tournoi l’année suivante en battant l’Ecosse, à Colombes, 16 à 15.Le championnat 1911 va asseoir le nom du SCUF dans le rugby français. Le SCUF est champion de Paris et devance pour la première fois ses deux grands adversaires le Racing Club de France et le Stade Français. Jules Cadenat, capitaine du Sporting, déclare » Je suis très content, que voulez vous que je vous dise de plus ? Mon club était très méritant déja depuis plusieurs années, il devait voir ses efforts couronnés de succès, il y est parvenu aujourd’hui et c’est moi qui est eu l’honneur de le conduire à la victoire, et j’en suis très heureux. L’équipe a bien joué, tout le monde a fait son devoir, il faut espérer maintenant que personne ne s’endorme sur ses lauriers car nous avons encore beaucoup à faire« .L’enchainement des rencontres et la soif du jeu mène le SCUF à la victoire. Le 4 mars 1911 a lieu le quart de finale. Le Sporting bat Le Havre AC (6-4 à Colombes). En demi-finale le SCUF bat Tarbes (9-5 à Tarbes). La finale a lieu le 7 avril à Bordeaux devant 10.000 spectateurs face au Stade Bordelais UC. Le SCUF fourni une excellente partie mais est battu par une équipe supérieure 14-00. La saison 1911/12 est moins bien appréhendée, le S.C.U.F rate le dernier wagon, Mais de son côté Laffitte continue de se montrer à la hauteur et se retrouve en sélection de Paris. Bien que présent tout au long de la saison dans l’effectif scufiste, Laffitte rate la fin du championnat. Le 2 mars 1913, le S.C.U.F reçoit Compiègne à Colombes et s’impose 14 à 05 avec un essai de Laffitte : « Après une mêlée au centre, Laffitte drible seul, ramasse et marque en bonne position« . Hélas, on apprend peu après dans l’article de l’Auto que Laffitte est sérieusement blessé et sort du terrain, laissant ses coéquipiers à 14. La semaine suivante le S.C.U.F reçoit Bayonne à Colombes et il apparaît en tenue militaire au sein de la photo de groupe. Lors de cette rencontre Etchegaray est victime d’une entorse et ratera également la Finale du championnat de France. Laffitte retrouve l’effectif du S.C.U.F dans un match à Bayonne, calé après le quart de finale du championnat de France gagné contre Nantes. C’est une composition d’équipe inhabituel, on se doute que Laffitte est présent pour dépanner mais pas encore totalement remis de sa blessure. Il joue la demi-finale à Toulouse, où le S.C.U.F bat difficilement Perpignan 3 à 0. Le 20 avril 1913, la composition de l’équipe est compliquée en troisième ligne. L’international Jacques Forestier, pourtant peu présent tout au long de la saison, est décrit comme en pleine forme. Il remplace le Sergent Laffitte et ce dernier ne participe pas à le seconde finale perdue contre ses compatriotes basques de Bayonne, On le voit en tenue militaire avec ses camarades scufistes sur la photo d’avant match. Est-ce cette mise à l’écart motiva son départ au Racing Club de France la saison suivante, accompagné d’Etchegaray ? Il est certain que ces deux Basques auraient eu à coeur de pouvoir affronter leurs « compatriotes ». Laffitte, tout comme Etchegaray recevront leurs Capes d’Honneur du club pour avoir remporter deux championnats de Paris, équipe première de 1ère série.
La saison suivante lui donne raison puisque le Racing est champion de Paris devant le S.C.U.F. Malheureusement pour raison de guerre (1914-18), les rencontres de rugby ne reprendront qu’en 1919.
Laffitte en tenue militaire et Etchegarray en bas à gauche, avec le RCF en 1913/14
Comme beaucoup de rugbyman parisien, il est mobilisé et s’illustrera pendant le conflit. En 1916, il quitte le 103ème RI pour rejoindre le 21ème Régiment d’Infanterie avec le grade de Sous-Lieutenant. En septembre 1916, il utilise une défaillance de l’ennemi et fait une trentaine de prisonniers. Il est blessé en février 1917, atteint d’une balle de fusil qui lui fracasse le cubitus de l’avant bras droit. Officier de grande valeur et et d’un courage poussé jusqu’à la témérité ; s’est particulièrement distingué par sa bravoure, le 23 octobre 1917 en entraînant ses hommes à l’assaut sous le feu des mitrailleuses allemandes et en s’emparant d’un centre de résistance ennemi après une lutte acharnée. Le 28 mai 1918, il se distingue en défendant, pied à terre, un terrain soumis à un tir précis de mitrailleuse et violemment bombardé. Fin septembre 1918, alors Lieutenant mais faisant fonction de Capitaine il est grièvement blessé par balle à l’avant bras gauche qui lui fracture le radius. Il sera récompensé de la croix de guerre avec étoile de bronze et étoile de vermeil. Chevalier de la Légion d’Honneur le 15 juin 1920.Il revient au 103ème RI à l’issue du conflit en 1919. En 1921, il est détaché à l’école de gymnastique de JoinvilleEn 1923, il est désigné pour effectuer le stage d’instruction prévu pour les officiers suceptibles d’être promus au grade de capitaine. En 1924, il rejoint le 31ème RI, puis il est affecté au 19ème Régiment de tirailleurs Algériens. Cette même année il est nommé au grade de capitaine. Fin 1925, il est mis à la disposition du Commandement Supérieure des troupes du Levant. En 1929, il quitte l’armée et est définitivement retraité de l’armée en 1934. Il réside à Paris. Après son départ du S.C.U.F en 1914, il semble que Laffitte n’est plus gardé de contact avec son ancien club. Il ne reste aucune trace en ce sens. Et nous ne savons pas quand et où il est décédé.