Gregoire BOUILLIER


Gregoire Bouillier, une jeunesse passée sous les couleurs du SCUF et un écrivain contemporain récompensé du Prix de Flore en 2002 et du prix Décembre en 2017. Son dernier ouvrage « Le dossier M » traite justement de son passé de rugbyman et de sa vision du rugby actuel

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  • Né le 22/06/1960 à Tizi Ouzou (Algérie)
  • Poste joué : demi de mêlée
  • Profession : Ecrivain

 

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– Raconte nous par quel biais tu te retrouves à jouer au rugby au SCUF ? Avais tu pratiqué d’autres sports avant ? Il y avait il des penchants rugbystiques dans ta famille ?

Personne dans ma famille ne jouait au rugby et je peux même dire que le sport était le cadet des soucis de mes parents ou de mon frère ainé. On ne regardait pas les matches de foot à la télé ni même les JO, par exemple. Rien à fiche. Du côté de ma famille, je n’ai donc aucune culture sportive. Raison pour laquelle j’ai justement aimé le sport, comme une façon de me trouver un territoire à moi ? Je crois que c’est plus simple que ça : j’aimais me dépenser. J’aimais la compétition. J’aimais jouer ! Par dessus tout, j’aimais l’esprit d’équipe. Faire des trucs avec les copains. Le côté camaraderie. Je n’ai jamais eu de plaisir à pratiquer un sport solitaire, comme la course à pied ou le tennis. J’ai toujours aimé le côté collectif du sport, le côté exploit à plusieurs, le côté aventure humaine avec des copains, où il s’agit de jouer collectivement pour soi et individuellement pour les autres. A l’école, on se fabriquait des balles en scotch pour jouer au foot pendant la récréation et on séchait les cours  pour prolonger les matches en loucedé. On se faisait régulièrement confisquer la balle et on recommençait. Tout seul, cela n’aurait eu aucun sens de braver l’autorité, etc.

Comme j’étais petit, j’étais nul au basket ; et je n’avais pas le bras pour jouer au hand. Vers l’âge de 6 ou 7 ans, mes parents m’ont inscrit comme poussin dans un club de foot. Mais je m’ennuyais. Ce n’était pas drôle. J’avais l’impression de ne jamais toucher la balle. Fallait rester à son poste et c’était à peu près tout. Alors qu’au rugby, il y a toujours moyen de participer à l’action. On est tous sur le même ligne ! Il n’y a pas ceux qui restent dans leur moitié de terrain et ceux qui sont à l’attaque. Bon, okay, c’est parfois dur pour les ailiers car la balle leur parvient rarement… Mais moi, j’étais demi de mêlée et c’était cool. Et puis, j’adorais plaquer les gros. Les gros, ils étaient tout mous et c’était génial. Quand ils vous fonçaient dessus, ils faisaient un peu peur, mais quand on les prenait bien aux jambes, on avait l’impression d’avoir abattu une montagne et c’était la gloire. Alors que les trois-quarts, ils étaient tout en muscle et en os et ça piquait quand on les plaquait.

Je crois aussi qu’il y avait une espèce de fierté au jouer au rugby parce que ce n’était pas le foot. Tout le monde pouvait jouer au foot, alors que jouer au rugby, c’était comme faire partie d’une intelligentisa du sport. C’était la classe. C’était super gratifiant. Ma mère ne comprenait rien aux règles et elle n’était pas la seule – alors que les règles sont tout de même super simples… En tout cas, le rugby avait une image prestigieuse et c’était flatteur de dire : moi, je joue au rugby. Bref.

A l’école, il n’y avait pas de rugby. Mais une fois, en cours de gym (on disait « gymnastique » à l’époque, pas « EPS »), on est allé au stade et on a fait une initiation. Comme je courais vite, j’ai tout de suite aimé. J’étais un peu frimeur et, balle en main, je narguais ceux qui voulaient me rattraper. Du coup, avec mon meilleur copain, Philou, on a cherché un club et c’est comme ça qu’on s’est inscrit au SCUF, parce que c’était le club le plus accessible en termes de transport. On se trimballait tout le temps avec un ballon ovale (qui, à l’époque, était en cuir) et, dans la rue, on se faisait des passes par dessus les voitures, etc. On a commencé minime deuxième année et on a continué quatre ans, juqu’en cadet première année. A ce moment là, les études, les filles, d’autres centres d’intérêt… – et puis, ça commençait à devenir sérieux. On voyait ceux qui étaient bons et qui avaient une carte à jouer en junior, voire plus loin. Je n’en faisais pas partie.

Concernant ma passion pour le rugby, je dois dire aussi que Roger Couderc a joué un rôle assez stimulant. Il mettait tellement de souffle dans ses commentaites. Avec lui, chaque match prenait des allures d’épopée et, pour les gosses que nous étions, rien ne pouvait mieux nous électriser. En plus, c’était l’époque des Rives et compagnie. C’était l’époque des Gallois de JPR Williams, ce cheval fou… De grands matches à chaque fois !

 

– Dans ton dernier livre « Le dossier M » tu te dévoiles et on découvre ton parcours rugbystique au SCUF ainsi que ta vision attristée prise par le rugby moderne… Pourquoi ces lignes dédiées au « French flair » ne sont elles lisibles que sur internet et n’ont pas trouvé grâce dans le livre papier ? (A lire ici – French flair)

 

Au départ, le Dossier M faisait plus de 2000 pages. Ce n’était pas prémédité, je ne tenais pas du tout à faire un livre aussi volumineux ; mais il se trouve que l’histoire que j’avais à raconter s’est révélée plus… « imposante » que je l’imaginais. Comme je le dis en 4e de couverture : « M comme une histoire d’amour. Mais quand on a dit ça, on n’a rien dit. Ou alors il faut tout dire ». Donc, j’ai tout dit – vraiment tout ! -, et, à la fin, je me suis retrouvé avec une espèce de dinde de 4 millions de signes, si grosse que j’ai pensé que pas un éditeur n’en voudrait. Du coup, j’ai cherché à couper. Mais je n’y arrivais pas. Tout avait son importance. Tout s’enchainait ou, pour filer la métaphore rugbystique, tout se faisait merveilleusement la passe pour faire triompher l’Idée à la fin (je rappelle que Montaigne a écrit des « Essais »!). C’est alors que j’ai eu l’idée du site (ledossierm.fr). Il y avait des pièces du Dossier que je pouvais verser sur le site et, ainsi, le livre serait (un peu) moins volumineux, tout en restant complet. J’ai longtemps hésité à garder le passage sur le rugby. Mais il faisait un peu doublon avec ce que je dis de la série Dallas et comment, à partir des années 80, la société toute entière a basculé dans « le culte du plus fort et un monde impitoyable ». L’évolution du rugby n’a pas échappé à cette bascule ultralibérale et cynique, elle l’illustre de façon exemplaire. Mais en tant qu’exemple, ce passage faisait doublon. Je disais finalement deux fois la même chose. Donc il fallait que j’exporte vers le site ou bien Dallas, ou bien le rugby. J’ai opté pour cette seconde option, parce que le slogan de Dallas sert de fil rouge pendant tout le livre. C’est donc pour des raisons purement narratives que les pages sur le rugby figurent dans une version réduite dans le livre, tandis que l’intégralité se trouve sur le site. Mais en termes d’intérêt, ce que je dis sur l’évolution du rugby m’importe tout autant, voire plus, affectivement parlant…

Les Minîmes du SCUF – 1972 Gregoire Bouillier est en haut, le 3ème en partant de la gauche

 

– C’est avec plein de nostalgie que tu reviens sur ta jeunesse scufiste. Au delà du jeu, on a l’impression que le club et le groupe avec qui tu évoluais pouvait être comparé à une famille ?

Il y a un côté nostalgie, parce qu’il s’agit de ma jeunesse… Mais ce n’est pas seulement nostalgique. C’est plutôt un rapport de mémoire. De mon vivant, j’ai assisté à un changement dans le rugby comme dans la société et je voulais parler de ça. Car tout n’était pas rose non plus avant. Quand Béziers dominait le championnat de France, on se faisait grave chier aussi. Mais c’est pire aujourd’hui et comment est-ce possible si ce n’était pas mieux avant ? C’est la question que je pose dans le Dossier M. Cela dit, j’en parle à mon aise. Car les matches du championnat de France n’était pas retransmis à l’époque – hormis la finale. Ce qui fait que le rugby, c’était essentiellement l’équipe de France et, là, je peux dire que c’était tout de même mieux dans les années 70 et 80 et même jusqu’en 1999. J’ai un million de souvenirs de Sella, Codorniou, Lafond, Bertranne, Aguirre, Gallion. Même d’Estève et Bastiat et Palmié et Paparemborde, etc. A l’époque, pour moi, le rugby, c’était l’équipe de France et le SCUF. Ça marchait ensemble. C’était lié ! Je suis heureux d’avoir conservé une photo où on voit notre équipe – je crois que c’était en 1972. Ce que je regrette, c’est d’avoir oublié les noms des copains – hormis celui de mon pote Philou (le blond au milieu). Oui, c’était un peu comme une famille. C’était chaleureux. Quand on perdait (et je crois que c’était souvent…), les « coachs » ne nous assassinaient pas. Ils défendaient une culture du jeu et cet esprit m’est resté. Ce qu’il y a de plus beau au rugby, c’est lorsqu’on doit jouer un deux contre un. Celui qui porte la balle doit attirer le plus possible le défenseur vers lui pour donner la balle au copain dans les meilleures conditions. Du coup, lorsqu’il donne la balle au dernier moment, le défenseur sait qu’il n’aura pas le temps de plaquer le copain qui file à l’essai et on se prend toute sa frustration dans le buffet. Mais on s’en fiche. Le copain va aller marquer, on a réussi à faire vivre l’idée, il y a quelque chose de sacrificiel dans le rugby qui m’a toujours plu.

Maintenant, mes souvenirs les plus nets concernant mes années scufistes, c’est le terrain gelé en hiver, les entrainements en nocturne, dans le froid et la gadoue. Eh quoi, c’était Paris ! Et puis on avait des places pour aller voir les matches du XV de France au Parc des Princes. C’était génial ! Mais je me rappelle surtout notre maillot : il était super classe et c’est le seul uniforme que j’ai aimé porté dans ma vie. On se croyait un peu les Blacks !

Et puis je me souviens des branlées qu’on se mettait deux fois l’an avec ceux de l’ASPTT. C’était la guerre entre nous – ah ah ah ! Par dessus tout, je me souviens d’un 32e ou d’un 16e de finale à Pau. On jouait en ouverture de Pau-Narbonne, en challenge Yves-du-Manoir. Une aventure fantastique ! Toute l’équipe qui prend le train de nuit et, bien sûr, on fait la fête comme des tarés. Bien sûr, on n’était pas très frais à l’arrivée, mais totalement surexcités. Les gars de Pau nous ont sacrément embourbés car ils avaient dit qu’on jouait à 16h mais à peine le déjeuner terminé (avec force terrines et cochonnailles : un vrai festin !), ils nous ont annoncé qu’on jouait à 14 h. Allez hop hop hop, sur le pré… Quand on est entré sur le terrain, on avait encore la bouche pleine, les jambes lourdes et des poches sous les yeux… Le gros piège !

Mais le truc le plus incroyable, c’est lorsqu’on est entré sur le terrain. C’était dingue ! C’était magnifique ! La pelouse d’un vert émeraude, le ciel immensément bleu, de grands cyprès qui bordaient le stade, c’était EBLOUISSANT ! Pour des petits Parisiens, c’était du jamais vu. Ce jour là, j’ai compris ce qu’était la terre du rugby. Et puis le stade était plein à craquer et cette rumeur qui enflait des tribunes, les fanfares, les drapeaux, tout ça… Une expérience magique. C’est un souvenir que je dois au SCUF et qui mourra avec moi. Au coup d’envoi, je pleurais comme un veau tellement c’était fort comme émotion. Après, je ne me souviens de rien. Le trou noir. Tout le match en apnée. On a perdu mais avec les honneurs, parait-il. Les joueurs de Pau sont venus nous voir à la fin du match et ils nous ont dit que pour des Parigots, on s’était bien battu. Un super hommage ! Après, ils nous ont invité à venir au bal qui se donnait sur une place de Pau. Ca s’est fini en distribution de châtaignes, comme un rituel entre garçons. Bon, c’est pas ce que je préférais le plus dans le rugby…

 

– Jusqu’a quand es tu resté au SCUF ? As tu gardé des contacts avec des joueurs de ton époque ?

J’ai arrêté juste avant de passer junior. Comme je l’ai dit, le lycée, les filles, d’autres centres d’intérêt… Et puis, je n’étais pas assez bon pour continuer. Faut être lucide. Il faut connaître ses limites… Passer junior aurait demandé un investissement personnel que je n’étais pas prêt faire. C’était un vrai choix. Il faut croire que d’autres aventures m’appelaient… Il y avait un joueur dans notre équipe : on voyait qu’il irait loin. Ce n’était pas qu’il était costaud, c’est qu’il avait une tonicité incroyable. Moi (et quelques autres), on ne pouvait pas rivaliser. Je sais qu’il a continué au SCUF et j’aimerais bien savoir ce qu’il est devenu, s’il a fait un peu, beaucoup ou pas du tout carrière. Mais impossible de me rappeler son nom. Hormis mon pote Philou, je ne me souviens d’ailleurs d’aucun nom des copains. Et je n’ai gardé aucun contact avec personne. Nous venions tous d’horizons différents, de milieux sociaux parfois aux antipodes, d’arrondissements parfois très éloignés, etc. C’était l’équipe qui nous réunissait. C’était le SCUF, le maillot, les matches et les entrainements, le rugby… En dehors, on était trop jeunes pour se voir. Il y avait les parents, etc. Si on avait continué, nul doute que certaines amitiés auraient perduré. C’est comme ça. C’est loin tout ça… Mais je me rappelle notre chanson fétiche : c’était un truc pourri qui s’appelait Kung Fu Fighting, de Carl Douglas. Je l’ai toujours dans mes play-lists et quand le mode aléatoire le diffuse, ça me rappelle cette époque.

– Tes écrits sur le virage pris par le rugby dans les années 90′ sont très proche du parcours pris par le SCUF. A la fin des années 90″, le SCUF, dont les valeurs reposent toujours sur l’amateurisme et le bénévolat, a connu une rapide dégringolade dans les divisions inférieures du championnat. A défaut de se réjouir des résultats, j’imagine que ça doit te faire plaisir que ton vieux club ait su garder la tête haute face aux démons de l’argent ?

En fait, ma vie m’a entrainé par monts et par vaux et si je n’ai jamais oublié mes années rugby, je n’ai pas vraiment suivi l’histoire du SCUF. Pour avancer dans sa vie, il arrive qu’on coupe avec son passé, sans jamais le renier bien sûr que non… Mais ce que tu me dis du SCUF ne m’étonne pas et, oui, cela me fait plaisir. Sans doute le prix à payer est-il cher (une espèce d’injustice…), mais le rugby, c’est un esprit. C’est une espèce de don de soi pour les autres. C’est un JEU ! Pour moi, la professionnalisation du rugby (en 1995) a créé les conditions d’un divorce entre le fond et la forme du rugby. Quand Laporte est arrivé après l’un des plus beaux exploits du XV de France (la demi finale de Coupe du monde gagnée contre les Néo-Zélandais de Jonah Lomu en 1999), une métamorphose désastreuse a eu lieu. Il y a eu un rejet de ce qu’était le jeu à la française pour un jeu soi-disant moderne, c’est-à-dire un jeu à l’anglaise, un jeu de défense, un jeu qui a tellement peur de perdre qu’il ne sait plus gagner, un jeu où les joueurs sont tellement déresponsabilisés (« pas de faute ! ») qu’ils n’osent plus prendre de risque, etc. Trop de pression, trop d’enjeux, trop d’argent… tout ça inhibe. Tout ça empêche de jouer. D’ailleurs, on ne parle plus de « jouer », on parle de « produire du jeu », ce qui n’est pas la langue du rugby mais celle de l’économie. Bon, je ne suis qu’un amateur, mais j’ai toujours pensé qu’il y avait une possibilité de faire évoluer le rugby français dans le respect du jeu qu’il était le seul à pratiquer parce qu’il était le jeu qu’il s’était trouvé à force de victoires et de défaites héritées de près d’un siècle d’histoire. Mais non, le jeu à la française a été démantelé comme on démantèle une entreprise, on l’a coupé de son histoire et c’est juste profondément déprimant. Donc, oui, je préfère les amateurs et la joie qui les anime. C’est quoi un professionnel ? C’est quelqu’un qui tue quelqu’un d’autre en disant que cela n’a rien de personnel. Moi, j’aime justement qu’il y ait quelque chose de personnel, sur un terrain de rugby ou ailleurs…

Sur un plan plus personnel, j’aurais dû mal à identifier ce que je dois au SCUF et à ce que j’ai appris là-bas, mais  je suis persuadé que je dois en partie à ce club l’homme que je suis devenu. Quand j’écris, dans le Dossier M, que j’aimerais que chacune de mes phrases décrivent une séquence de jeu aussi féérique que celle qui, lors d’un Angleterre-France de 1991, vit Blanco relancer depuis son en-but et, 34 secondes plus tard, Saint-André aplatissait pour un essai de plus 110 mètres, c’est vrai. C’est un hommage discret au SCUF. C’est façon de payer ma dette ! Comme je le dis aussi : « Je n’écris pas, je fais mon match ». C’est dire à quel point mes années au SCUF m’ont marqué, bien au-delà du simple jeu de rugby. C’est ici qu’on peut parler de philosophie de vie (ah ah ah).

 

– Comme tous les anciens, es tu du genre à te réjouir lorsque tu aperçois rapidement le maillot noir&blanc lors de la remise du Boublier de Brennus ?

Ah oui ! Même si je n’ai pas beaucoup l’occasion de le voir… Mais je vais peut-être me rattraper ! En tout cas, j’aimerais bien récupérer un maillot tel que je le portais. Tout noir avec une grosse bande blanche. Je jure que je le porterais dans la vie civile !

 

– Dans tes écrits, on a l’impression que tu ne te régales plus dans le rugby d’aujourd’hui où l’on pense d’abord à défendre avant d’attaquer. Est ce que tu es toujours devant ta TV lors des matchs de l’Equipe de France ?

Bon, j’ai assez dit le mal (la tristesse plutôt) que je pense de l’évolution du rugby depuis qu’il a été lomouïsé. Car tout est venu de Lomu, finalement. Avec quinze bébés Lomu dans son équipe, on s’est dit qu’on gagnerait à tous les coups et voilà le résultat… Je précise que je ne parle pas de l’homme Jonah Lomu. Je ne parle pas des joueurs. Eux, je ne les accable pas du tout. C’est ce qu’on fait d’eux qui m’accable. A ce propos, il y avait quelque chose de génial dans le rugby lorsque j’en ai fait, c’est que tous les gabarits pouvaient trouver leur place. Les gros comme les malingres, les grands comme les petits comme moi, etc. C’était une espèce d’idéal social ! Personne n’était exclu a priori… Et, sur le terrain, ce n’était pas une utopie : c’était réel. Cela dit, je continue de regarder les matches du XV de France à la télé ; mais en levant les yeux au ciel toutes les cinq minutes. Ah Dallas, ton rugby impitoyable, vous allez adorer le détester…  Mais grâce à internet, je regarde surtout les moins de 20 ans et les filles. Je trouve génial comment elles jouent. Elles m’épatent. Sans rien céder sur le combat, elles retrouvent l’essence du  rugby, qui est de se faire des passes, de cavaler, de trouver des intervalles… Ce qu’elles font est très technique. C’est joyeux. Ce n’est pas seulement une épreuve de force. Ce n’est pas ce fichu culte du plus fort. Avec elles, on peut dire que les meilleures ont gagné alors que, chez les garçons, on dit aujourd’hui que ce sont les plus forts qui ont gagné et cela veut tout dire ! Et là, les Bleues viennent de remporter leur cinquième grand chelem ! Bravo à elles ! Et bravo aux moins de 20 ans qui ont remporté le tournoi des VI nations, en réussissant à marquer en deuxième mi-temps un bel essai leur assurant le point de bonus de la gagne. Bravo aussi à eux. Bon, maintenant, j’entends dire que les filles pourraient passer professionnelles… Le début de la fin ? En tout cas, je n’ai jamais cru qu’on donnait le meilleur de soi-même pour de l’argent. C’est la fraternité qui transcende. C’est quelque chose d’impalpable, justement.

 

– Le 11 mai, le SCUF reçoit le club de Stratford-upon-Avon pour la 113ème année de la Rose Cup. La plus vieille rencontre amateur qui se joue alternativement chez l’un ou chez l’autre depuis 1905. Ca pourrait être l’occasion pour toi de reprendre goût à ce rugby que tu regrettes ?

Tu veux dire : rejouer ? Oh pôvre ! Je n’ai plus le souffle (merci le tabac !). En revanche, je vais venir assister au match ! Cent treize ans : ça veut dire quelque chose, non ? Ça se fête ! Cela me fera vraiment plaisir de revoir une équipe du SCUF sur le terrain. Parole de supporter !