Mai 1967, le SCUF est toujours un club phare de la troisième division (Excellence). Régulièrement depuis quelques saisons, la montée lui échappe de peu. Cette saison a été des plus agités. Sur le terrain le club a connu l’enfer à Digoin, une victoire 11 à 08 et un déchaînement de violence sans précédent qui conduira la FFR a suspendre le terrain de ce club durant toute la saison suivante… Le club finit quatrième et entrevoit la qualification. Mais Pontarlier, avec trois matchs de retard pour cause de neige, nous coiffe sur le fil au goal-average.
Les efforts de la première du SCUF ne sont pas récompensés, la saison est gâchée et va s’achever tristement en dehors du terrain. L’origine est toute simple, les deux hommes forts du SCUF, le Dr Jean Martin et Philippe Absil, sont fâchés et vont entraîner le club dans un destin d’auto-gérance.
Le Dr Martin est une figure historique du SCUF d’avant la 2nd guerre mondiale. Il signe sa première licence en 1923 et fait parti de la première école de rugby mis en place par André Theuriet. Il fait parti de la section natation où il excelle en water-polo, Chirurgien illustre, il est le toubib de l’Equipe de France et préside la commission médicale de le FFR. Président de la section rugby du SCUF à partir de 1951, il lui offrira le plus beau club-house en 1954 avec la piscine Chazelles.
Philippe Absil est une légende sportive des années 50/60. Il arrive au SCUF en 1953 et s’impose comme troisième ligne ou comme trois-quart centre. Visionnaire dans le jeu il impose sa patte avec l’équipe 1 et diffuse le beau jeu au sein de l’école de rugby. Entraîneur / joueur, il sera capitaine six saisons d’affilée à partir de 1960. Grand ami de Tony Bird, on lui doit une bonne partie de la réussite de la reprise des relations avec le club de Stratford dans le cadre du match international de la Rose Cup.
Philippe Absil a été profesionnellement épaulé par le Dr Martin. C’est un kiné qui a bénéficié des appuis du chirurgien, il lui doit beaucoup. A l’automne 1966, la tension entre les deux hommes est palpable et le SCUF va en faire les frais.
C’est un conflit entre deux hommes qui ne peut trouver d’issue. Le Dr Martin se sent trahi et les répercussions sur le club vont être drastique. Dès lors, les langues se délient et les clans se constituent.
Fort de son statut au sein du club Philippe Absil développe un égo qui se heurte à la main mise qu’exerce le Dr Martin. Il n’y a plus assez de place pour ces deux leaders aux charismes impressionnants. Jo Santena remplace Absil comme entraîneur. Les scufistes en place vont devoir choisir leur camp…
Le 21 janvier 1967, une assemblée générale se déroule à Chazelles, mais elle ne résout rien et même amplifie les divisions. Comme le dit Jean Hospital, « pour des motifs divers et variés, mais dont certaines nous éloignent du sport, le club craque. L’attelage Dr Martin-Absil, qui a si bien fonctionné pendant des années, verse dans le fossé et chacun tire de son côté »
A cette période, Michel Hospital est étudiant en 3ème année de Droit. Il est aux commandes de l’Equipe 3 du SCUF qui est championne IdF en 1966. Cette équipe s’est révélée une force d’attraction et enregistre de nombreuses arrivées : Wladimir Hagondokoff, François Oneglia, Jacky Cugnenc et son père René, Philippe Lenoir, Michel Hagondokoff délaissant un avenir prometteur au volley-ball, les frères Lambert, Piron, Claude Jodelet, Daniel Sampermans, Gorlish… Nombreux sont les joueurs qui préfèrent jouer en 3, d’autant plus que celle-ci accentue son autonomie… et sa fidélité au Dr Martin. Dans ce contexte de rivalité, la plupart de ces joueurs refusent toute sélection en équipe première. Ils organisent même leur propre coupe qui clotûre la saison, à savoir « la Coupe Martin – Mac Elhone »en l’honneur du Président du SCUF et du directeur du Harry’s Bar. Ce match est disputé contre le British Rugby Football Club de Paris.
Dans ce contexte, l’équipe 3 se positionne. Lors de la Rose Cup 1967, la réception de Stratford, au château de Chamontel, est terne. L’équipe 3 a refusé de participer aux matchs et aux festivités.
Et ce qui devait arriver, arrive : la scission !
22 joueurs, dont la plupart de la Première et de la Réserve, suivent l’entraîneur Absil à la VGA St Maur où la greffe ne réussit pas tout à fait. Les autres restent avec le Dr Martin, dont les équipiers premiers Patrick Dufournier, Fugier, Raymond Boussagol, Yvan Planchon, Pierre Lidon…
Trois joueurs aux talents sportifs optent pour l’élite du rugby. François Grimaldi, un colosse formé au club, choisit le PUC, Yves Demarais signe au Racing CF et Yves Thieffine opte pour Mérignac puis le SBUC (Bordeaux).
Mai 1967, un an avant la révolution de 68, une nouvelle génération arrive et prend le gouvernail de la section rugby du SCUF. Bernard Jodelet, devient Président et le Dr Martin est propulsé à la présidence de l’Omnisport où il remplace Lucien Besset.
Le 14 juin, en compagnie de Jean Hospital, Bernard Jodelet annonce à l’assemblée générale du CIFR les changements au sein du club. Ils recoivent le soutien de Gérard Krotoff du PUC qui, plus tard, bloquera toutes les demandes de mutation venant du SCUF.
Préfigurant mai 68, l’autogestion est dorénavant la règle au SCUF, les joueurs administrent, organisent et gèrent la section rugby. Une génération de 23 à 30ans prend les commandes.
La Commission rugby est la suivante :
- Président : Bernard Jodelet
- Trésoriers : Yvan Planchon et JJ Lambert
- CIFR : Georges Lemoteux
- Secrétariat : Jean Hospital
- Entraîneurs : René Cugnenc (1), Robert Piron (2) et Jean-Luc Thirobois
- Juniors : Guy Massé
- Ecole de rugby : Robert Chabert, Jean Bracon et Louis Martin
- Membres : Antoine Vierne, François Tunc, Daniel Sampermans, Dominique Tardi et Michel Hospital
Les objectifs de la saison sont clairement définis :
- maintien en 3ème division
- attribution d’un jeu de maillots à toutes les équipes
- organisation de trois bals à Chazelles
- continuité des relations avec Stratford et hébergement des joueurs
- avis favorable à tous les partants…
.
Le capitanat de l’équipe 1 est confié à Jean Hospital. Une lourde tâche attend cette génération composée essentiellement par l’équipe 3 de la saison précédente. Il viendra se greffer au fur et à mesure des éléments de la Fac de Droit et de la Fac des Sciences. Des Juniors, comme Sylvain Massé intègrent le groupe.
Le SCUF réussit sa mission du maintien avec un bon début de championnat et râte de peu la qualification en championnat de France
A distance, fort de son amitié avec Tony Bird, Philippe Absil tentera de récupérer la Rose Cup pour la délocaliser du côté de St Maur. Tony Bird se positionnera comme un gardien de l’évènement et gravera sa fidélité au SCUF. Cependant, Stratford attendra de voir ce à quoi le nouveau SCUF pouvait prétendre avant de l’inviter. Rassuré par les résultats sportifs lors du championnat 1968, la Rose Cup se jouera en septembre de cette année.
Le Dr Martin restera Président de l’Omnisport jusqu’en 1983 et décèdera l’année suivante, une vie consacrée au S.C.U.F
.