Antoine BOUTEILLY


Fils de Pierre Bouteilly, il intègre l’école de rugby du SCUF en 1986 et jouera dans toutes les catégories du club jusqu’en 2017 où il rejoint la région bordelaise… Qu’est ce que tu deviens Antoine Bouteilly ?

  • Né le 17 janvier 1980 à Paris 20ème
  • Postes joués: pilier (12 ans par vocation) puis talon (12 ans par choix) puis 1ère ligne (11 ans par goût du compromis)
  • Profession : juriste en propriété intellectuelle dans la recherche académique
  • Situation maritale : marié à une femme bretonne mais néanmoins charmante, 2 gamines (5 et 8 ans)

– Contrairement à la centaine d’interviews avant le tien, je vais d’abord te demander de présenter ton père Pierre afin que les nouvelles générations d’aujourd’hui comprennent pourquoi le nom de Bouteilly a une telle résonance des deux côtés de la Manche.

J’ai pris ma première licence au SCUF à l’âge de 6 ans, en 1986, dans le club où évoluait mon père, Pierre. Ce dernier a passé sa carrière rugbystique dans le club de Brennus et y a laissé une empreinte. Mon papa avait commencé le rugby dans son internat à Savigny-sur-Orge. Arrivé à la fac de Sciences juste après la révolution de 68, il prit quelques responsabilités dans l’Association Sportive. Étudiant, il passa plus de temps dans la vie associative (et les bars du quartier latin) que dans les amphis et noua des liens forts avec un paquet de copains, dans toutes les sections sportives que comptait l’association. Mais c’est avant tout avec ses camarades de rugby qu’il fit le plus grand nombre de bringues. Lorsqu’il fut question de trouver un club pour poursuivre le week-end les défis sportifs du jeudi, il fut endoctriné comme tant d’autres par les frères Jean et Michel Hospital. Paraîtrait que quand ils vous encadraient tous les deux en vous payant un coup au Harris Bar et en vous enjoignant de signer le papier là (une licence au SCUF) on se laissait généralement faire. Mon papa fit donc sa carrière au SCUF. On m’a dit qu’il était vaillant sur le terrain, mais que sa mi-temps préférée restait la troisième, qu’il ne se donnait pas trop de mal à s’entraîner. On m’a surtout dit que même à court de forme (toute sa carrière sportive, donc), c’était un pilier gauche qui ne reculait pas. Ça, ça me rend fier. Ses plus grands faits d’armes résidèrent surtout dans l’animation d’une équipe 3 (la Boutiga, avec Jean Louis Izarga) certes un peu moins compétitive sur le pré, mais exemplaire sur le zinc. J’ai grandi au milieu de cette bande de copains. J’y ai gagné le titre pas si évident à assumer de « fils de » avec les Hospital, les Schwartz, les Poletti, Sonois, Igarza et tant d’autres.

– Tu as baigné dans le rugby scufiste depuis ta naissance, mais il y a-t-il quelques souvenirs qui te reviennent de tes débuts ?

À mes tout début, je n’avais pas franchement la fibre ovale. J’allais à l’entraînement le dimanche matin à Carpentier uniquement parce que mon père m’y emmenait pour y retrouver ses copains. J’ai même connu vers 7 ans la honte de vivre plusieurs entraînements où ma sœur, plus grande d’un an (et de 20 cm) participa à l’entraînement où elle me mit la misère, raffut cad’deb, la totale… comme à la maison, mais devant les copains cette fois-ci… Heureusement ses horaires de cours de gymnastique furent décalés au dimanche matin

– Un petit mot de tes années avant de passer senior, les bons résultats, les moins bons, les complices qui t’ont accompagné…

De mini poussin à senior j’ai tout fait au Scuf du coup, ça fait un paquet de dédicaces possibles. Et si je n’ai jamais été le plus vaillant sur le pré (loin de là) j’ai toujours été bien encadré. Les souvenirs sont légions, j’ai été entraîné par tous les anciens, de Joël Beucher à Jean-Louis Izarga, en passant par Jacques Epelbaum, les pères Marol, Larget, Chouraqui, ou encore Jeff Richard. Mais j’ai une émotion spéciale en repensant à la qualité brute des séances mitonnées par Pascal Poletti. Et j’ai la chance, comme talonneur en devenir, d’avoir bénéficié des conseils particuliers de 2 modèles du genre, Piapia Lidon et Jean-Pierre Petitet. Et puis il y avait Laulau, Laurence, ma maman du SCUF, qui accompagna la génération 79-80 pendant des années, dont la recette de gateau au musli était aussi recherchée que celle de l’éponge magique. Laulau véhiculait, strappait, soignait les bobos, et supportait notre musique de merde. Je me souviens aussi des voyages, en Irlande en 1991, à Stradford avec les benjamins, ou encore aux United States of Montréjeaux. Autant de tournées que je fis avec Roch Poletti, mon compère de toujours de la génération 80

– Tu pointes ton nez en Seniors saison 1999/00 où tu évolues avec la Réserve pour 5 matchs. Premier et unique match avec l’Équipe 1 le 21.11.1999 à St Cyr où tu rentres en cours de match, et c’est la fin de ta saison… Qu’est-ce qui s’est passé ?

J’avoue que je ne sais pas du tout… Ca m’a pas marqué. J’ai pas dû marquer non plu d’ailleurs

– Après deux saisons moyennes en Réserve, tu inscris ton prénom dans le marbre scufiste en remportant la Rose Cup à Stratford en mai 2002.

Mythique. Un match de rêve, une tournée magnifique avec sur le papier une équipe en carton (la preuve, je jouais). Un match sous le soleil où je me souviens notamment d’une action : en 2ème mi-temps, sur une relance jouée vite des 22 par le SCUF, j’essaye de suivre les gazelles. Benjamin Marol s’échappe le long de la touche mais sur le point de se faire reprendre (par un anglais qui lui cassera la cheville sur l’action) il balance une passe « hasta la vista » vers le centre du terrain. Je suis seul à la retombée, je la récupère, la ligne est devant, la gloire est proche, la rage m’habite. J’accélère (tout est relatif, surtout avec le décalage horaire et le Dirty Duck de la veille). Je suis pris d’une bouffée d’altruisme. J’offre la gonfle à Patrick Gigon qui déboule à mon extérieur. Cet empaffé a encore moins de canes que moi, il reprend inté et se fait découper par un rosebif. Heureusement nous gagnons le match. Ce soir là, la Gigue boira le calice jusqu’à la lie, victime consentante d’une britone de 110 kilos, nommée Tracy, qui le viola sauvagement dans le tribune en bois de Pearcecroft, sous le regard intrigué de la moitié de l’équipe qui observa les ébats comme on regarde un documentaire animalier. Je me souviens aussi de la gentillesse de mes deux hôtes chez qui je dormis (peu, il est vrai) et que je recroise avec émotion et bonheur tous les deux ans vers l’Avon

– Tu continues en Réserve durant deux saisons puis on perd ta trace, c’est à ce moment que tu as commencé à rejoindre la 3 Vieux Cochons ?

Je n’ai jamais percé en première, barré par un talonneur de grand talent : Jérôme Hospital. Nan j’déconne en fait je me suis fait une hernie discale lors d’un match à Genevilliers je crois, où je perds les appuis sur une mélée et où le pilier d’en face me plie en deux. J’avais jamais observé mes adducteurs d’aussi près. Après 1 an d’arrêt et de kiné on m’a invité à changer de sport ou, dans le cas où je serai assez con pour continuer le rugby, à ne plus pratiquer en première ligne. J’ai donc tenté une reconversion à un autre poste. Mais quand on a passé sa vie avec un numéro compris entre 1 et 3 dans le dos, c’est difficile de s’adapter à autre chose… même quand c’est Pascal Poletti qui vous a appris à faire des passes. J’ai cherché à reprendre doucement. Chez les Vieux Cochons j’ai retrouvé du temps de jeu sans trop forcer à l’entraînement, l’opportunité de jouer en troisième ligne quelques matches. Et puis j’ai aimé l’ambiance, j’ai aimé les gens, j’ai aimé l’état d’esprit détendu et con mais impliqué une foi sur le terrain, j’ai aimé jouer le samedi, j’ai aimé le style de jeu, plus proche de celui que j’ai connu en universitaire, où même les premières lignes touchent des ballons et sans se prendre 3 poires à chaque mêlée…

– Peux-tu nous conter ton aventure avec la 3VC, l’esprit, les titres, les tournées…

L’expérience avec les VC a été longue et belle. Au début je n’y connaissais personne mais j’y redécouvris les joies de ce sport. Beaucoup sont devenus des amis. Et avec les années, pas mal de gars rejoignirent les roses et noirs, des joueurs qui sont scufistes depuis 25 ou 30 ans comme moi. On y reconstitua une « dream team » faite de fils de et de joueurs des générations 77 à 80 ; les frères Schwartz, les frères Poletti, Gégé Sonois, Nico Valenzuela, François Derome, Pascal Augé, Vincent Barbe, Greg Guénot, Doudou Deros et j’en oublie… Tout ce beau monde biberonné par quelques dinosaures : Arnaud corbier, Manu Enriquez, Lawrence Platt ou Jean Mi Guignard

– Je ne me souviens plus, as-tu rejoint l’école de rugby ?

Non, c’est un regret mais le fait d’avoir eu 2 filles et d’habiter dans la banlieue sud m’a coupé les ailes. Peut être en Gironde dans quelques années

– Tu quittes Paris cet été pour rejoindre Bordeaux, comment s’est déroulé ce départ ?

En train, parce qu’en vélo j’ai regardé sur mon gps et ça fait loin…

– Comment comptes tu vivre le rugby maintenant ?

Débarquant dans une région connue pour être rude, ne connaissant personne, sans logement fixe et loin de ma famille (moins fort les violons, je m’entends plus écrire), j’ai vite cherché un club. Un copain m’a filé le contact d’un de ses potes qui joue dans une équipe de vétéran, en loisir. Je l’ai appelé et ai commencé il y a un mois et demi les entraînements avec eux, du côté de Léognan. Les Gravelous ils s’appellent. Ils ont des grappes de raisin sur le maillot. Et après l’entraînement le jeudi, on a accès au club house avec le bar, la tireuse à bière, la cuisine de collectivité équipée. Et chaque semaine 2 joueurs ont été désignés pour faire les courses et à bouffer, il y a tout le matos pour. Il y a 2 semaines il y en a un qui revenait de la chasse, on avait cuisseau de biche et sanglier. Et chacun peut apporter une bouteille de rouquin local pour faire déguster les collègues (la « section œnologie » ils appellent ça!). On est généralement une vingtaine à rester pour le gueuleton d’après l‘effort. Je m’évade en général vers minuit trente, quand ils ouvrent la deuxième bouteille de Get 27 parce que j’ai un peu de route et que les gars élevés au Saint Emilion ils ont le foie solide. Je prends de l’angle bien avant eux. On aura notre premier match dans 2 semaines. D’ici-là et encore après, je porterai fièrement à l’entraînement mon maillot noir et blanc. Et je continuerai d’halluciner sur la qualité des infrastructures et le plaisir d’avoir un club house. Je suis d’ailleurs content que le SCUF ait bientôt le sien. Je n’aurai pas l’occasion d’y organiser la prochaine journée huîtres mais si je suis dans le coin ce week-end là, je passerai déguster un verre de blanc ou 2…

– Un mot à ajouter ?

Parler du SCUF c’est comme parler de sa famille. C’est con à dire, ça fait grande phrase de propagande, mais en effet, grâce ou à cause de mon père, j’ai plus souvent vu les gens du SCUF que mes cousins ou mes oncles… J’ai de la chance d’avoir eu ce club et j’ai de la chance d’avoir trouvé ce sport. J’aime ce sport parce que c’est un mélange entre défouloir physique, violence mais dans un cadre strict à respecter, finesse technique, solidarité, besoin de lucidité, timing, franche camaraderie, respect, humour graveleux. Je ne maîtrise pas la plupart de ces valeurs mais j’y aspire. Le SCUF est la meilleure des écoles pour les acquérir