René MENRATH (1889-1950)


Le 1er janvier 1910, la France joue son premier match dans le Tournoi des V Nations. Cela faisait 28ans que la France attendait patiemment que les nations britanniques l’invitent sur la scène principale du rugby international. Parmi les 15 pionniers qui foulèrent la verte pelouse du Stade de Swansea au Pays-de-Galles, on trouve 6 Scufistes et un dirigeant prestigieux : Charles Brennus.

Parmi ces joueurs, le Scufiste René Menrath est le premier joueur de couleur (métis) à évoluer dans le Tournoi. Avant lui, 4 joueurs de couleur l’avaient précédé avec le XV de France : Constantin Henriquez du Stade français aux Jeux olympiques de 1900, Georges Jérôme (natif de Cayenne) et le pilier André Vergès (métis) eux aussi du Stade français en 1906, et Henri Isaac du Racing Club de France en 1907 et 1908. Pour l’anecdote, il faudra attendre 61 ans avant de trouver un autre joueur de couleur avec le XV de France, le Toulousain Roger Bourgarel lors de la tournée en Afrique du Sud 1971.

René Marcel Menrath est né le 13 décembre 1889 de Arthur et Louise Colas, parfumeurs, qui a épousé en seconde noce le 2 octobre 1926, Fernande Choury à La Garenne Colombes. Il est d’origine antillaise et réside à Neuilly sur Seine. René Menrath est élève à l’Institut Commercial de Paris. Après avoir résidé quelques mois en Angleterre, où on peut supposer qu’il découvre le rugby, il revient sur Paris et rejoint les rangs du SCUF lors de la saison 1909/10. Une saison pleine d’espoir pour lui et les noir&blanc.

Menrath est un joueur habile et rapide qui excelle au rugby mais qui s’épanouit également en athlétisme et en natation. Il rejoint de suite les rangs de l’Equipe 1 du SCUF à l’arrière et participe à l’émergence du SCUF sur la scène nationale. Le 14 novembre 1909, le SCUF rencontre le Racing CF à Colombes pour le compte du Championnat de Paris devant 2000 spectateurs. Le SCUF, après une première mi-temps dominatrice marque un essai par Laffitte sur une belle attaque des trois-quarts. Il mène 3 – 0 à 10 minutes de la fin, lorsque le Racing égalise par un essai de Faillot entre les poteaux 3 – 5. Sur une mêlée au 22m et sur un changement de pied, Laffitte troue la défense des ciel&blanc et marque entre les poteaux. Menrath transforme. Le SCUF bat le Racing CF 8 à 3, c’est un triomphe pour les noir&blanc pour qui c’est une première.

Les prestations de Menrath ne laissent pas indifférent les sélectionneurs. Fin décembre 1909, un match de sélection oppose les Probables contre les Possibles à Bordeaux. Menrath est à l’origine sélectionné dans l’équipe des Possibles, mais il remplace Varvier du RCF absent dans l’équipe des Probables. Sa prestation à l’arrière est soulignée. Voilà ce qu’on peut lire dans la presse : » Menrath, à l’arrière, joua brillamment ; très bon sur le ballon, il démontra par quelques jolis placages que l’on pouvait également compter sur lui« . Ce jour là, dans les lignes arrières on trouve le scufiste Houblain. Du côté des avants Thévenot, Cadenat et Laffitte ont également tapé dans l’oeil des sélectionneurs. Les Probables sont vainqueurs par 9 points (3 essais) contre 6 points (2 essais) aux Possibles.

Quelques jours plus tard, le groupe France quitte Paris sans Jules Cadenat, mais avec deux nouveaux scufistes René Boudreaux et Joe Anduran. Devant 12000 spectateurs, les français font déjouer les Gallois lors de la première période et ne sont menés que 21-14 à la mi-temps. Hélas ils s’écroulent lors des 40 dernières minutes et s’inclinent 49-14. Il se dit que les Gallois dominent tellement le match qu’ils s’arrêtent parfois de jouer pour expliquer les règles aux frenchies ! René Menrath réussit 1 transformation et 2 pénalités, mais ce sera sa dernière sélection. Il détient la carte d’international n°53.

A l’heure du bilan de ce premier Tournoi, il se dit que Menrath a pu connaître le statut d’international que par l’absence du titulaire au poste. Dans le revue « Le Plein Air » du 1er avril 1910, on peut lire : « Menrath, du Sporting Club Universitaire de France, est un joueur à qui des éloges prématurés ont donné une donné de soi même une considération trop absolue. La puissance et parfois la précision d’un coup de botte dans un ballon, ne pouvaient lui inculquer, surtout en face de nos voisins, l’expérience nécessaire au joueur d’arrière« .

Lors de cette saison 1910, Menrath a participé à ce que le SCUF puisse rivaliser avec les deux clubs historiques parisiens que sont le Racing CF et le Stade Français.

En parallèle, Menrath pratique l’athlétisme au SCUF. Il détient le record du club du saut en hauteur en 1910. Il est également bon nageur et participe aux compétitions de plongeon.

A l’issue du championnat il est appelé sous les drapeaux et rejoint le 50ème Régiment d’Infanterie à Périgueux. Alors qu’il effectue son service militaire, il joue au C.A Périgueux et à l’U.S Bergerac.

Durant ses années de service, il participe au Championnat militaire de rugby avec le 50ème RI avec lequel il gagne le titre au printemps 1911 contre le 103ème RI de Paris. Au sein de cette équipe adverse il retrouve ses anciens coéquipiers Etchegaray, Laffitte et Vezani. Mais c’est l’équipe de Menrath qui sort victorieuse, et ce jour là il joue 3ème ligne ! Un titre qu’il remportera à nouveau la saison suivante contre l’Ecole de St Cyr.

Durant son séjour à Périgueux il en profite pour décrocher le titre de champion de natation du Périgord au 100m. Son service terminé, il rejoint les rangs du CASG en 1913. Et puis la tragédie de la 1ère guerre mondiale survient…

A son retour du conflit, René Menrath revient au SCUF. Lors de la saison 1918/19 il participe activement à la reconstruction du club. Il fait figure de pionnier du club, tout comme André Theuriet, Lucien Besset, Jacques Forestier, Fernand Buscail, Adalbert Eutrope, Louis Moutaud, Jules Cadenat, Louis Pichereau, Marcel Reichel, Novel, Pignon, Larronde… Les jeunes recrues peuvent s’appuyer sur ces internationaux et anciens coéquipiers premiers de marque. A l’issue de la saison, il a 30ans et quitte les terrains de rugby.

On le retrouve dès lors du côté des pistes cyclistes où il accompagne, comme soigneur, son beau-frère Lucien Choury. Ce dernier est un cycliste de piste des années 1920/30 qui sera champion Olympique de l’épreuve de tandem en 1924 à Paris. Il reste proche du SCUF et participe aux réunions et banquets du club. Le 21 mai 1922, lors du banquet annuel du SCUF, on remet la cinquième médaille d’or du club à André Theuriet. A cette occasion, les anciens internationaux du club sont mis à l’honneur. On leur remet la breloque d’international de la toute nouvelle FFR. Moure fait parti des récompensés, ainsi que Houblain, Thévenot, Du Souich, Forestier, Eutrope (pour son frère Albert), Besset, Theuriet et Menrath.

On retrouve René Menrath dans la rubrique rugby le 30 avril 1929. Il a 40 ans et participe au match des vieilles gloires au Stade Buffalo. C’est une réunion organisée par l’Echo des Sports où se joue un match de rugby, un match de footbal et une course à pied. Sur le terrain de rugby, l’Equipe de Paris affronte l’Equipe de Province. René Menrath est sélectionné avec cette dernière et représente le club de Périgueux. En face de lui il retrouve ses anciens coéquipiers. Frantz Reichel est capitaine des parisiens, André Theuriet est à l’ouverture, Moutaud et Pichereau sont du côté des avants…

Dans le civile, il excerce la profession de parfumeur. Il décède le 16 avril 1950 à Orgeval.